A cette époque, le meunier livrait lui-même ses clients et, pour ne pas leur déplaire et aussi parce qu’il aimait çà, à chaque arrêt, il acceptait de prendre un verre ou deux et se lançait dans d’interminables discussions qu’il oubliait très vite.
Ce jour-là, après avoir déjà livré le 5é client, le meunier était encore frais, au moins, il le pensait. Alors qu’il traversait la forêt, il vit, près d’un ruisseau, un Grand Cerf doté d’une paire de bois qui lui parut gigantesque. Toujours inquiet d’une possible agression de vagabonds, le meunier avait pris l’habitude d’emmener avec lui son fusil. Rapidement il le chargea, épaula, visa le cerf et enfin tira, f

aisant s’envoler des milliers d’oiseaux, effrayés par le bruit infernal qui jaillit du canon du fusil.
Il posa le fusil sur ses genoux et observa… plus rien. Le cerf était probablement tombé dans l’herbe haute et devenu invisible. Il s’approcha, mais ne vit rien d’autres que quelques brins d’herbe écrasés, semblant témoigner de la présence récente d’un animal à cet endroit.
Le meunier reprit sa route, mais il aurait vraiment aimé montrer ce superbe animal à ses clients. Personne n’allait le croire, un Cerf énorme ! Tant pis, ce sera pour une autre fois, se disait-il. Et la journée se poursuivit, comme à l’habitude. Le soir, quand il repassa près du ruisseau, il avait encore tellement bu qu’il s’était assoupi, laissant le soin à l’âne Cadichon de ramener la charrette presque vide au moulin. Le cerf était revenu. Quand il le vit, Cadichon se mit à braire, tentant de faire comprendre au grand cerf que son maître endormi était incapable de lui faire le moindre mal.
Semblant comprendre, il s’approcha, puis l’âne lui fit signe de le suivre jusqu’au moulin. Le cerf hésita un peu, renifla le meunier endormi, puis il se mit à suivre l’âne et la charrette.
Arrivé au moulin, le cerf alerté par quelques mouvements paraissant indiquer le réveil du meunier, alla se réfugier dans le moulin dont la porte était grande ouverte. Il n’avait jamais vu çà, à l’intérieur, tout était blanc, et puis il y avait, partout, de très gros sacs qui sentaient bon.
Ils sentaient ce que lui, le cerf aimait par-dessus tout quand il en trouvait à certaines périodes de l’année, au milieu des graines muries par le soleil. Il s’en approcha, puis, à l’aide de ses bois, fit un trou dans un sac, puis dans un 2é, et encore un 3é et un 4é. Qu’elle était bonne cette poussière blanche qu’il était libre de manger, autant qu’il en voulait!
C’est alors que, par la fenêtre, il vit la tête du meunier, puis les cris de ce dernier, furieux de voir sa farine éparpillée partout dans le moulin. Le cerf ne fit ni une ni deux ; il bondit, arrachant au passage, un sac accroché au plafond qui finit de le blanchir totalement. Et c’est un cerf tout blanc qui sortit du moulin à ce moment devant les yeux ahuris du meunier et de son âne.

Depuis ce jour, quand une graine de farine vient se mêler à une graine de biche, il arrive qu’un jeune faon naisse tout blanc.
Au Moulin de Poyaller, nous avons retrouvé un descendant de l’âne. Il s’appelle aussi Cadichon et avec Cadichette, ils ont encore fait un petit, ce printemps 2007. Le meunier buvait trop. C’est une meunière, Martine, plus sage qui l’a remplacé et qui fabrique ce qu’aujourd’hui, on appelle farine « bio » alors qu’autrefois « farine » suffisait amplement à justifier la qualité du produit.
Et puis, dans la forêt, il ne fait plus de tournées, Jean-Charles s’occupe de préserver les quelques cerfs blancs qui, avec des graines de biches et des graines de farine, parviennent à faire naître d’autres faons tout blancs.

Jean-Charles BIREMBAUT

• D’autres contes (cliquez sur les liens) :

La Légende dit que la TOUR et le MOULIN de POYALLER ont été bâtis par les fées, une nuit après l’ An Mille. Monsieur de BENAC, Seigneur de POYALLER ne vivait que pour la Guerre. Quand celle ci fût finie, il s’adonna au Jeu.

Très vite, sa fortune s’en alla. Pour la refaire il se maria sans pour

autant renoncer au Jeu. Il perdit ainsi sa dernière pièce de terre. Triste, ne trouvant pas le sommeil, il se leva, éperonna son cheval et, passant derrière l’église de St-AUBIN, puis non loin de la Chapelle de MAYLIS, il s’arrêta devant une chaumière d’AULES.
Un petit Homme, chassieux et chauve  » Petit Pierre « , étonné de le voir, accepte de le recevoir. Sa réputation de Sorcier a attiré Mr de BENNAC qui lui demande de lui permettre de rencontrer le DIABLE. L’homme accepte, et, après avoir préparé un bouillon mêlant Yeux de Crapauds, Peau de Serpent, Sang de Mouche, Langues de Salamandre, Graisse de Porc non salée, et Herbes cueillies, il envoie le Seigneur de POYALER au carrefour du Mus ; là, il devra tracer un cercle par terre avec une Gaule. Arrivé sur place, Mr de Bénac dessine le cercle et, dans un coup de Foudre, la bouche éclairée comme par le feu, apparaît un Homme Noir.

Le Seigneur, frissonnant, lui demande de l’Argent en échange duquel il engage:  » Moi, Bénac, seigneur de POYALER me donne Corps et Âme au Diable, à condition qu’il me donne de l’Argent à volonté « , et signe avec une plume et le sang du Diable qui s’était entaillé le bras. Rentré au château, Mr de Bénac s’étendit sur le lit. Rien ne semblait avoir changé.
Il s’en suivit une période mêlée de faste et de mélancolie pendant laquelle le Seigneur affichait une belle image, gagnait beaucoup d’argent, à l’Extérieur tandis qu’au château, il était tri

ste et taciturne. Pas d’enfants ne venait égayer le couple et le château. Jusqu’au jour où la Guerre, opposant l’Europe au peuple Turc secoua son âme de Guerrier.
Sûr que l’épée ne pèserait pas autant que cette plume d’enfer et que Dieu lui pardonnerait sa faute, il s’en alla, quittant avec douleur sa belle dame. Seule, sans nouvelles de son Seigneur qui combattait en Turquie, elle pensait sans cesse à l’être aimé et lui composa une charmante poësie. De son côté, Mr de Bénac se battait gaillardement jusqu’au jour où il fût porté disparu.
Sept ans de deuil et de tristesse s’écoulèrent sur les Terres de POYALER, pendant lesquels la jeune Dame ne cessa de pleurer son Seigneur disparu. Un jour, pourtant, elle succomba aux pressions des siens et accepta de se remarier.Cependant, le seigneur, prisonnier, avait échappé à la Mort. Devenu Serviteur d’un Maître inhumain, il était amaigri et avait perdu tout Pouvoir. Un soir , l’Homme Noir, celui-là même qui lui avait dérobé son Âme au MUS, arriva vers lu

i. Il lui proposa de le ramener à POYALER sur son dos afin d’éviter le remariage de sa femme. Le Seigneur accepta et arriva à Poyaler le lendemain matin vers 9 h. Le village se réveillait sur un air de fête.
Homme barbu et maigre, le teint halé, déguenillé, Monsieur de BENAC avait l’allure de mendiant. Il demanda à parler à la Dame de

POYALER, prétextant qu’il lui donnerait des nouvelles de son mari. Tous s’en moquèrent, mais la Jeune Dame voulut l’écouter. Ce qu’elle fît, sans le reconnaître.

 

Ce n’est que quand il siffla son chien de c

hasse et interpela son cheval que ceux-ci réagirent immédiatement, entraînant avec eux la jeune Dame, pleurant de Bonheur de retrouver son mari. Elle lui proposa à manger, mais Mr de BENAC ne voulut manger que des noix. Il mangea la pulpe et jeta l

es coquilles au chien.

Celui-ci, furieux, bondit dans un aboiement terrible, pe

rça le mur de la Tour et s’enfuit ; on ne le revit plus. L

e chien était le Diable et son dépit était extrème. Le trou q

u’il perça, il existe encore; personne ne put le fermer. Tous les Noyers de POYALER furent déracinés. On dit que si Mr de BENAC avait bu du vin, POYALER n’aurait plus de vignes, de même pour tout ce dont il aurait mangé à ce moment-là.
Le Seigneur de P

oy

aler se convertit et fit construire la Chapelle de Poyaler à l’endroit même où le Chien de Chasse et le Cheval de Bataille l’avaient reconnu. Enfin, il pût vivre heureux avec la Jeune Dame qui devint si vieille qu’elle n

‘eut plus aucune

dent.

Si vous êtes comme moi, vous vous rappelez Blanchette, la chèvre de Monsieur Seguin; elle partit vers la montagne, et, périt, dévorée par le loup, gagnée auparavant par la soif de Liberté.

C’est ce qui faillit arriver à la biche de Poyaller; à la place du loup, pourtant, ce fût…. Bichette est donc née bien plus tard que Blanchette, et, si vous connaissez Poyaller, vous comprendrez peut-être

son envie de découverte de cet environnement naturel exceptionnel qui l’entourait. Elle le voyait, tout le monde lui en parlait, mais jamais encore, elle n’avait pu s’y promener.
C’est alors qu’un soir, elle aperçût une faille dans l’enclos, si petite que personne d’autre qu’elle n’avait pensé pouvoir s’y faufiler. Discrétement, sans prévenir ses copines, elle s’y aventura; elle n’avait pas un an. Dehors tout était différent.A l’intérieur, les espaces étaient clos, peu nombreuses étaient les variétés d’herbes et de grains à manger, dehors, c’était foison et liberté, la découverte d’un monde nouveau. Et puis, que de cachettes rendant la vie tranquille. Les mois passèrent ainsi, sans que Bichette pensa une fois rentrer.
Certes, on la voyait, de temps en temps, rôder autour des autres biches leur contant sans doute quelqu’aventure passée dans ce pays de merveilles, si proche d’elles. A l’automne, les choses changèrent, les cachettes devinrent plus rares, les repas plus communs et même si, par moment, elle venait voir les autres, elle commençait à s’ennuyer.
C’est à ce moment que le Grand Cerf, dans sa forêt close, devenue inaccessible pour Bichette, se mit à bramer. En elle, grandissait l’envie de l’approcher. Comment faire pour rejoindre l’irrésistible amour qui l’appelait, tout près? Elle se montra plus souvent, à un endroit, puis à un autre, toujours plus près des cerfs et des biches de l’intérieur. J’eus beau, à ce moment user de tous les stratagèmes, Bichette, jamais n’emprunta les passages.
Pourtant, depuis quelques temps, un danger la menaçait; de plus en plus régulièrement elle apercevait de ces hommes accompagnés de chiens dont les aboiements la mettaient dans un tel état de frayeur qu’elle courait dans tous les sens. Plus surprenant encore, du morceau de bois que ces hommes tenaient à la main sortait un bruit terrible qui paraissait menacer nombre de rencontres que Bichette avait faites depuis sa sortie.Ce fût ainsi jusqu’à ce jour où il lui parut que, tout à coup, ceux qu’elle avait toujours considérés comme des amis se mirent à la poursuivre, les chiens aboyant et les morceaux de bois p

étaradant. Elle vit alors des balles filer devant, derrière, sur les côtés, sa

ns heureusement jamais pouvoir l’atteindre. Les chasseurs avaient décidé de la tuer.
Maître du territoire, l’homme avait à ce point réglementé son existence que même s’il appréciait la vue d’un animal sauvage devenu de plus en plus rare, il ne pouvait supporter les dangers que générait s

a présence. Le plus menaçant était l’accident provoqué par la traversée inopinée de ces animaux sur des routes où seuls les hommes ont appris à conduire.
Et puis, il y avait les cultures; il n’était plus question d’en accepter le rendement amoindri par le besoin de s’alimenter qu’avaient toujours eu les animaux sauvages. Tous ces dégâts économiques que l’animal ne pouvait mesurer, l’homme n’était plus prêt à les accepter. Acceptera-t-il d’ailleurs longtemps encore la grêle, les inondations, la sécheresse quand il pourra les vaincre?
Je savais que Bichette serait rentrée chez elle; il n’était pourtant plus temps d’attendre. Bichette aussi l’avait compris; elle voulait rentrer; à plusieurs reprises, beaucoup plus que je ne l’avais vu jusqu’alors, je la vis. A chaque tentative de la rentrer, c’était un échec.Sans d

oute, à ces instants, un vent de paix souffla sur le Pays; généreusement, les chasseurs me proposèrent de m’aider à la rentrer, cette fois sans chien et sans fusil. Comme toutes les nouvelles à la campagne, cette nouvelle fit tant de bruit qu’elle parvint jusqu’aux oreilles de ma Bichette qui redevint sereine.Pressée d’en finir et de retrouver la quiétude de son parc ell

e se laissa guider au moment même où les chasseurs venaient m’aider à la rabattre. Sincèrement heureux de n’avoir pas à la tuer, les chasseurs restèrent un moment à la contempler. Les quelques verres que nous bûmes ensemble, ensuite marquèrent le début d’une ère nouvelle.

Tout allait aller pour le mieux puisque chacun acceptait l’autre et qu’il avait compris qu’il valait mieux aider à panser les plaies plutôt qu’à y remuer le couteau. Noël approchait; marquant encore de sa présence, un heureux dénouement.

Venez visiter notre parc animalier et son moulin

Ouvrir la carte Google Maps